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Le jour du grand malheur

Vers 1720, à l’est de Vercorin et au nord du Vallon de Crougeaz, au printemps, le jour de la grande corvée pour la remise en état du bisse pour la nouvelle saison, les travailleurs étaient échelonnés sur tout son parcours. On avait confié aux plus solides gars le soin de réparer les dégâts survenus aux grands rocs de Crougeaz. Là, les eaux du bisse franchissaient à l’aide de chenaux, sur 130 mètres, le milieu d’une paroi de roc à pic haute d’environ 170 mètres. Quelque corbeaux et une section de chenaux avaient, parait-il, été détériorés par les neiges et les intempéries de l’hiver. Tard dans la matinée un fracas sinistre mêlé de cris de désespoir retentit dans la vallée. En un terrible pêle-mêle, hommes et matériaux avaient été précipités dans le vide. Le soir de ce jour néfaste on ramena à Chippis de nombreux morts. Ce fut le dernier jour de corvée, les travaux ne s’achevèrent pas. Dès lors, nul n’osa plus s’aventurer sur les flancs abrupts des rocs de Crougeaz. Aujourd’hui on compte encore plusieurs corbeaux en mélèze qui ont résisté à toutes les intempéries du temps et resteront longtemps encore les témoins plusieurs fois séculaires de l’indomptable énergie de ceux qui les ont fixés. A leurs pieds de très vieilles croix gravées dans le roc, nous disent encore qu’il y eut un jour en cet endroit un grand malheur.